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L’identité franco-ontarienne : entre défis et espoirs

11 Décembre 2024

L’identité franco-ontarienne : entre défis et espoirs

Par Amélie Cournoyer, rédactrice agréée

L’identité franco-ontarienne est un symbole de résilience et d’ouverture, à la fois enracinée dans son passé et ouverte aux nouvelles influences. Explorons les défis rencontrés par certaines de ses communautés et le rôle crucial de l’immigration pour assurer son avenir.

Depuis l’arrivée en Ontario de l’explorateur français Samuel de Champlain en 1613, les francophones ont contribué de manière significative à la vie culturelle, sociale, économique et politique de la province. Or, l’histoire des communautés francophones d’un bout à l’autre de l’Ontario est celle d’une lutte perpétuelle contre l’anglicisation. De tout temps, les Franco-Ontariennes et les Franco-Ontariens ont dû défendre leurs institutions de minorité linguistique, telles que leurs paroisses, leurs écoles, leurs services de santé et leurs coopératives. Ces institutions représentent des points d’ancrage essentiels pour ces communautés puisqu’elles permettent d’assurer la transmission de la langue aux nouvelles générations.

Cela dit, l’identité franco-ontarienne, cristallisée dans le drapeau vert et blanc et célébrée chaque année le 25 septembre, ne se résume pas à une simple langue : elle inclut un ensemble de valeurs, de victoires et de symboles qui contribuent à enrichir le paysage ontarien.

 

Pour une définition élargie de la francophonie ontarienne

Au fil des ans, la définition du terme francophone a évolué en Ontario. Auparavant, le gouvernement qualifiait de francophones uniquement les gens dont le français était la langue maternelle, c’est-à-dire qui avaient appris le français à la maison en bas âge et qui le comprenaient toujours au moment du recensement.

Cependant, afin de mieux refléter la population francophone de la province, le gouvernement a adopté en 2009 une nouvelle définition plus inclusive en intégrant les personnes dont la langue maternelle est le français ainsi que les personnes allophones qui ont une bonne connaissance du français et qui l’utilisent à la maison.

En se basant sur cette nouvelle définition, l’Ontario a recensé en 2021 plus de 652 000 francophones, ce qui représente près de 5 % de l’ensemble de sa population. Toutefois, même si le nombre de francophones est en hausse dans la province, la proportion de francophones par rapport à la population totale diminue depuis 1986.

 

Une identité (toujours) menacée

Encore aujourd’hui, les communautés franco-ontariennes font face à des défis considérables. La population francophone est en effet largement concentrée dans l’est de la province, à Ottawa et sa périphérie. Elle est aussi bien présente dans le nord-est de l’Ontario, comme dans les régions de Sudbury et de North Bay, ainsi qu’à Toronto. Cette concentration géographique dans certaines régions rend difficile le maintien d’une présence francophone forte dans toute la province.

La diminution du poids démographique de la population francophone dans la province est notamment due à un taux de natalité faible de même qu’à une population francophone vieillissante et plus âgée que la population ontarienne générale. La situation est même critique dans certaines communautés du nord de l’Ontario, qui manquent de relève afin de conserver la vitalité des institutions francophones et l’accès aux services en français. 

Signe que le français perd du terrain dans l’espace public, près de 5 % de la main-d’œuvre de l’Ontario utilise le français au travail sur une base régulière ou plus souvent, selon les données de 2021 de Statistique Canada. Mais, parmi celle-ci, seulement 1 % l’emploie de façon prédominante.

Nathalie Drolet, présidente de l’Unité 60B – Nipissing catholique de l’AEFO, habite dans la municipalité de Corbeil, près de North Bay. Elle se désole de voir que de plus en plus de gens dans les petits villages qui étaient traditionnellement francophones, tels que le sien, ne s’affichent plus nécessairement comme francophones en public et acceptent de s’angliciser. « Le travail est là : il faut encourager la communauté à continuer de s’identifier comme francophone. Et qu’elle demande ses services en français », clame-t-elle.

 

Le retrait du drapeau franco-ontarien à Greenstone

Du côté de Greenstone, près de Thunder Bay, la communauté francophone de la municipalité a été frappée de stupeur, le 12 février dernier, lorsque le conseil municipal a décidé de ne plus faire flotter en permanence le drapeau franco-ontarien devant l’hôtel de ville.

La décision d’abaisser ce drapeau, qui était hissé en permanence depuis 2015, a été prise sans consulter ni sonder les organismes et la communauté francophones. « C’est un affront envers la population francophone. C’est un retour en arrière après l’obtention d’un acquis préservé depuis près de dix ans », se désole le président de l’Unité 62 de l’AEFO, Siriki Konaté, qui habite dans la région.

Pourtant, environ 21 % de la population de Greenstone a le français comme langue maternelle et 29 % parle français et anglais, selon le recensement de 2021. Siriki Konaté a même remarqué une croissance de la communauté francophone ces dernières années dans la municipalité. « C’est entre autres parce qu’on recrute beaucoup de francophones pour travailler dans nos institutions. Donc, le retrait du drapeau franco-ontarien ne pourrait pas être justifié par le déclin de notre communauté », soutient-il.

« Cet acte discriminatoire risque de faire reculer la représentation et la visibilité de la population francophone à travers la province », affirme la présidente de l’AEFO, Gabrielle Lemieux. C’est pourquoi une délégation citoyenne de la région tente de convaincre le conseil municipal de revenir sur sa décision. « J’invite les élues et les élus municipaux à s’ouvrir aux propositions faites par l’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario afin de rétablir le drapeau dans l’espace public municipal. Celui-ci est pour nous une source de fierté et une forme de reconnaissance », commente le président de l’Unité 62.

 

L’immigration : une réponse aux défis démographiques

Pour pallier le déclin de la population francophone en Ontario, l’immigration de personnes parlant et vivant en français représente une des stratégies gagnantes. Ces nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants permettent non seulement de conserver la langue française vivante dans la province, mais aussi de préserver les services publics en santé et en éducation dans la langue française ainsi que les institutions culturelles francophones, comme les musées et les théâtres.

« L’immigration est donc considérée comme un élément essentiel pour encourager et maintenir la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire en Ontario », confirme le rapport 2015-2016 du Groupe d’expertes et experts sur l’immigration francophone de la province.

Selon les données relatées par ce groupe, plus de 2 000 nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants d’expression française choisissent de s’installer en Ontario chaque année. C’est huit fois plus qu’au Manitoba et environ onze fois plus qu’au Nouveau-Brunswick, ce qui fait de l’Ontario la deuxième province à accueillir le plus d’immigrantes et d’immigrants francophones au Canada après le Québec. « Mais il est impératif d’en augmenter le nombre pour que les communautés francophones, au lieu de simplement survivre, s’épanouissent et prospèrent », précise le groupe.

 

Une francophonie devenue multiculturelle

L’arrivée des nouvelles personnes issues de l’immigration transforme progressivement le visage de la francophonie ontarienne. D’après le recensement de 2016, 17 % de la population francophone en Ontario était née à l’étranger. De ce groupe, 37 % provenait d’Afrique; 27 %, d’Europe; 20 %, d’Asie et 17 %, des Amériques.

Nathalie Drolet a remarqué qu’il y a de plus en plus d’immigration francophone dans sa région depuis quelques années. « Ces personnes sont nécessaires parce que nous vivons une pénurie de personnel francophone. On a donc besoin d’elles pour travailler dans nos écoles, nos garderies et nos centres culturels. Elles sont essentielles à la survie de notre communauté et à notre essor aussi », soutient-elle.

Il est vrai que les francophones issus de l’immigration contribuent à l’avancement du français en Ontario. Elles et ils participent à la promotion de la langue française ainsi qu’à la défense des droits et intérêts de la communauté franco-ontarienne. Puis, en conjuguant leurs us et coutumes avec les mœurs et réalités franco-ontariennes, elles et ils collaborent à la création de nouvelles communautés, plus inclusives, qui reflètent la diversité et la richesse de la francophonie ontarienne.

 

Vers une meilleure intégration

Cela dit, vivre dans un milieu minoritaire qui encourage l’utilisation de l’anglais dans de nombreuses sphères de la société incite beaucoup de personnes immigrantes à délaisser le français pour l’anglais comme langue d’usage, a noté le Groupe d’expertes et experts sur l’immigration francophone.

Ainsi, pour que les communautés francophones multiculturelles de l’Ontario s’épanouissent, elles doivent intégrer pleinement les nouvelles arrivantes et les nouveaux arrivants. « L’AEFO accueille plusieurs nouvelles et nouveaux membres issus de l’immigration depuis quelques années. On veille à leur adaptation dans leur milieu de travail et dans leur communauté. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour mieux les soutenir », explique Nathalie Drolet.

Un rapport du Conference Board du Canada, commandé par l’Institut pour la citoyenneté canadienne (ICC) et publié en novembre dernier, lui donne raison. Il nous apprend que le Canada perd 35 % de ses immigrantes et immigrants francophones à long terme, un problème qui touche principalement l’Ontario et le Québec. « L’Ontario, en particulier, a du mal à retenir les [immigrantes et] immigrants francophones au rythme où elle les accueille », peut-on lire.

Des recherches seront nécessaires pour comprendre les raisons de cette difficile rétention. Mais, de prime abord, le chef de la direction de l’ICC, Daniel Bernhard, doute que le soutien aux personnes francophones dans les milieux anglophones de l’Ontario soit suffisant.

Bref, la rétention des nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants représente un autre défi pour les communautés francophones de l’Ontario à l’heure actuelle. « Comme présidente d’unité, c’est mon rôle de créer des partenariats pour m’assurer que leur intégration est réussie », pense Nathalie Drolet. Elle ajoute : « Mais nous devons aussi travailler de pair avec les employeurs, les conseils scolaires, les familles, les élèves et les communautés. »

 

La lutte de l’AEFO pour les communautés franco-ontariennes

L’AEFO a toujours joué un rôle de premier plan dans l’essor des communautés francophones en Ontario. Depuis sa fondation, elle partage naturellement son engagement entre quatre grandes préoccupations, dont la promotion du fait français au sein de la société.

 Considérant l’école comme un des points d’ancrage du milieu de vie francophone en Ontario, l’AEFO a défini en 1940 sa mission, soit l’amélioration de l’enseignement en français et des conditions de travail de ses membres. « Le système d’éducation est crucial pour la vitalité et l’épanouissement culturel des Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens », indique Émile Maheu, cadre en relations gouvernementales et communautaires à l’AEFO. Depuis l’établissement de sa mission, l’association a donc participé activement aux débats publics, en plus d’aller sur le terrain afin de lutter pour l’instauration et la préservation du système scolaire de langue française en Ontario.

La viabilité du système d’éducation de langue française dépend toutefois de l’existence des autres espaces d’expression française environnants qui peuvent la nourrir et l’appuyer. C’est pourquoi l’AEFO n’a pas limité son action au système d’éducation et qu’elle a investi d’autres services publics en français afin d’assurer le rayonnement de la culture francophone.

Depuis les débuts de son histoire, l’association a participé à l’expansion du réseau associatif et institutionnel de langue française en Ontario. Elle a soutenu les revendications et activités francophones partout dans la province, par exemple en s’opposant à la fermeture de paroisses francophones, en appuyant une politique d’embauche de personnel bilingue à l’Hôpital de Cornwall de même qu’en contribuant financièrement à la tenue d’activités ou à la production d’événements à grand déploiement.

Consciente qu’elle ne peut pas travailler seule, l’association a également créé au fil des ans des partenariats avec divers organismes dans le but, d’une part, d’atteindre ses objectifs propres et, d’autre part, de participer à l’épanouissement des communautés francophones en Ontario, au Canada et même à l’étranger. « L’AEFO travaille fort pour donner son appui à tous les organismes francophones en Ontario qui en ont besoin. L’association n’a jamais reculé devant une lutte pour faire valoir les droits des francophones et encourager les communautés francophones », commente Nathalie Drolet.

 

Un leadership qui se maintient

« Aujourd’hui, l’AEFO continue d’exercer un leadership favorisant l’essor et l’épanouissement des communautés francophones de l’Ontario », affirme Gabrielle Lemieux. En plus de ses interventions politiques et sociales ainsi que de ses actions pour la défense de la langue française, l’association poursuit son engagement pour l’éducation de langue française en Ontario. « Ce n’est pas pour rien qu’on dit que l’école est le cœur de la communauté franco-ontarienne. Dans plusieurs communautés, c’est le seul espace public francophone. C’est là où se déroulent toutes les activités en français. Et c’est grâce à nos membres qui créent ces moments », rapporte Émile Maheu.

Pour cette raison, l’AEFO encourage ses unités à tenir des activités en français dans leur communauté. « Nous soutenons ainsi des gens qui font vivre des expériences positives en français sur le terrain à plusieurs communautés partout en Ontario », poursuit Émile Maheu. Mis sur pied par l’association, le projet Partenariats communautés francophones, par exemple, permet de faire des liens avec des organismes différents chaque année, tels que les diffuseurs culturels dans le nord de la province, les organismes dans l’est et à Ottawa ainsi que le Réseau d’action communautaire francophone de l’Ontario (ACFO) dans le centre et le sud-ouest.

L’AEFO encourage de plus les activités francophones à l’échelle provinciale, en offrant notamment des dons et des commandites à des organisations, telles que l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Parents partenaires en éducation, Épelle-moi Canada (volet ontarien), la Fondation franco-ontarienne et le Festival franco-ontarien.

 « Nos membres ne sont pas seulement passionnés par la question de l’éducation de la langue française ou par leur travail, elles et ils sont également engagés dans leurs communautés francophones. Après tout, le vrai pouvoir d’influence de l’AEFO par rapport à la vitalité des communautés francophones repose sur chaque membre qui passe à l’action », conclut la présidente de l’AEFO, Gabrielle Lemieux.

L’identité franco-ontarienne : entre défis et espoirs
« Nos membres ne sont pas seulement passionnés par la question de l’éducation de la langue française ou par leur travail, elles et ils sont également engagés dans leurs communautés francophones. Après tout, le vrai pouvoir d’influence de l’AEFO par rapport à la vitalité des communautés francophones repose sur chaque membre qui passe à l’action. »

Gabrielle Lemieux, présidente de l’AEFO

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