18 juin 2025
Par Amélie Cournoyer, rédactrice agréée
La négociation des conventions collectives représente une partie importante du travail de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO). Ce processus laborieux, mais essentiel, permet de garantir des conditions de travail justes et équitables à ses membres. Toutefois, le comprenez-vous bien?
Les conventions collectives de l’ensemble des membres de l’AEFO qui travaillent pour un conseil scolaire en Ontario viendront à échéance le 31 août 2026. Même chose pour celles du personnel du Lycée Claudel (unités 201 et 202) ainsi que des unités 103 – PAPSP CSC Franco-Nord et 204 – Centre Jules-Léger. Quant à l’Unité 203 – Le CAP, les négociations pour sa nouvelle convention collective viennent tout juste de se conclure et les membres ont voté pour sa ratification le 3 juin dernier.
Pour mieux comprendre le déroulement des négociations et ce qui attend plusieurs d’entre vous dès l’automne, voici un résumé des quatre grandes étapes.
Avant de se rendre à la table des négociations, l’AEFO organise une série de consultations auprès de ses membres, notamment par des rencontres de style town hall et des sondages, dans le but d’identifier leurs besoins et leurs priorités pour leur prochaine convention collective. Les informations obtenues contribuent à orienter les sujets qui seront discutés lors des négociations et les demandes qui seront faites à l’employeur.
En parallèle, l’AEFO veille à la composition des équipes de négociation, regroupant généralement la présidence provinciale, une présidence locale ainsi que des expertes et experts en relations de travail. Ces gens possèdent à la fois une bonne connaissance des dossiers, une compréhension des enjeux et une capacité à dialoguer de façon efficace.
Une des missions du comité de négociation est d’analyser la convention collective en vigueur afin de déterminer les points qui devraient être modifiés ou améliorés, en se basant sur les griefs et les différends qui ont été déposés par les membres ainsi que sur les discussions avec les employeurs qui en ont découlé. « On fait un bilan des problématiques rencontrées durant la convention collective en vigueur ainsi que des solutions possibles pour y remédier », explique Yann Archambault, cadre en relations de travail à l’AEFO.
Afin de formuler des revendications réalistes et cohérentes, le comité effectue parfois des recherches sur les conditions dans des milieux de travail comparables. Ensuite, toutes les informations recueillies auprès des membres et à partir des recherches et des analyses sont utilisées pour élaborer les requêtes, c’est-à-dire les demandes officielles à l’employeur. « Il y a tout un travail d’analyse de documents et de préparation de preuves pour soutenir nos demandes et pour contrer les concessions que nous croyions que l’employeur tentera d’imposer dans les prochaines conventions collectives », poursuit le cadre en relations de travail.
Selon la loi, l’AEFO peut faire parvenir un avis de négociation à l’employeur 90 jours avant l’expiration de la convention collective. « On envoie alors notre intention de négociation, puis les porte-parole de chacune des parties se mettent d’accord sur le moment où les négociations débuteront », précise Yann Archambault.
Le conseil d’administration (CA) de l’AEFO joue un rôle clé dès le début du processus. C’est lui qui adopte les grandes orientations stratégiques en matière de négociation, notamment en approuvant les objectifs, les priorités et les principes directeurs à partir des consultations menées auprès des membres.
Pour le personnel enseignant et suppléant, les négociations se déroulent en deux temps. L’AEFO doit tout d’abord négocier la partie A des conventions collectives à la table centrale (aussi appelée table provinciale) avec le gouvernement et le Conseil des associations d’employeurs (CAE). « Tous les membres faisant partie d’un conseil scolaire ont la même partie A dans leur convention collective », indique le cadre en relations de travail.
Par la suite, chaque unité de négociation de l’AEFO doit s’entendre sur la partie B de sa convention collective avec son conseil scolaire. Les 30 tables locales sont réparties selon les conseils scolaires, le statut des membres (régulier, suppléant) et le palier scolaire (élémentaire, secondaire). « Les sujets qui ne sont pas abordés à la table centrale peuvent faire partie des négociations locales », spécifie Yann Archambault.
Les négociations rassemblent beaucoup de personnes. À la table provinciale, l’AEFO est représentée par la directrice générale, la directrice générale adjointe (également porte-parole), les cadres en relation de travail et la présidence provinciale. Cette équipe est soutenue par les présidences locales ainsi que les agentes et agents d’unité. L’employeur est pour sa part représenté par deux porte-parole pour le CAE, deux porte-parole pour le gouvernement, puis plusieurs représentantes et représentants des conseils scolaires ainsi que du gouvernement.
Pour ce qui est des tables locales, les équipes de négociation de l’AEFO se composent d’une ou d’un cadre en relations de travail de l’AEFO (qui est porte-parole), de la présidence locale, de l’agente ou agent d’unité ainsi que de quelques enseignantes et enseignants. Du côté de l’employeur, les équipes de négociation sont très différentes d’une table à l’autre. On peut y retrouver des gens de la direction des ressources humaines, de la direction d’école, de la surintendance ou de la direction des finances, ou encore des avocates et avocats.
Dans un premier temps, les sujets de négociation sont débattus afin de déterminer ceux qui seront abordés à la table centrale. De façon générale, les parties présentent leurs requêtes une fois les sujets de négociation identifiés.
Des règles de fonctionnement pour les négociations sont également fixées entre les parties, par exemple les suivantes :
Les membres du CA reçoivent régulièrement des mises à jour sur l’état des négociations, tant à la table centrale que locale. En raison de la sensibilité de ces informations, elles demeurent confidentielles.
Pour chaque demande que l’AEFO souhaite faire à l’employeur au nom de ses membres (augmenter le salaire ou le nombre de congés personnels, par exemple), elle dépose une proposition de modification de la convention collective en vigueur. L’employeur doit prendre le temps de l’évaluer pour déterminer s’il l’accepte, la rejette ou y propose des modifications.
De son côté, l’employeur peut réclamer le retrait de certains avantages. Par exemple, s’il veut réduire les congés personnels parce que les absences sont trop difficiles à gérer, il peut soumettre ce sujet à la table des négociations. « Avant d’arriver à une contre-proposition ou à un refus, il y a beaucoup de discussions à l’interne : il faut entre autres évaluer les répercussions sur les membres. Une grande partie des négociations se déroulent dans notre propre comité de négociation », précise Yann Archambault.
Au fil des rencontres, les deux parties doivent se mettre d’accord sur chacun des sujets. « Les discussions peuvent parfois être menées entre deux personnes, en groupes restreints ou en groupes de travail. Le but est de trouver des solutions aux problèmes soulevés qui seront acceptables pour toutes les parties », détaille le cadre en relations de travail. À mesure que les discussions avancent, chacune des parties adapte ses demandes en fonction des oppositions rencontrées et des compromis conclus.
À la fin, il n’en ressort pas une équipe gagnante et une perdante : les deux parties doivent faire des concessions afin de respecter les intérêts de chacune et chacun.
Dans toute négociation, certains désaccords vont persister entre les parties. Lorsqu’il y a un blocage dans les négociations, plusieurs stratégies peuvent être utilisées par l’AEFO :
« Lorsqu’il y a une impasse sur un sujet précis ou sur l’ensemble de la requête, le comité de négociation peut demander au CA l’autorisation de solliciter un mandat de grève auprès des membres afin de faire comprendre à l’employeur que sa position est inacceptable », soutient Yann Archambault. Le CA évalue alors les risques, les possibilités et la stratégie à adopter avant de donner son accord.
Il faut savoir que ce mandat ne déclenche pas automatiquement une grève illimitée pour l’ensemble des membres. « Cela donne le droit à l’AEFO d’utiliser des moyens de pression, par exemple la grève rotative ou provinciale pendant une journée, ou encore le retrait de certains services seulement », poursuit-il. La responsabilité des étapes de grève relève du CA de l’AEFO.
Lorsque les parties se mettent d’accord sur un sujet, les porte-parole de chaque partie signent la nouvelle clause. « Quand une clause est paraphée, on peut ensuite passer à un autre sujet. Mais les nouvelles clauses ne prennent pas effet tant qu’on ne ratifie pas la convention collective au complet », mentionne Yann Archambault.
Quand les deux parties se sont entendues sur l’ensemble des sujets, on dit qu’elles ont « conclu un accord ». Une ébauche de convention collective est alors rédigée. Celle-ci sera scrutée et analysée attentivement par les deux parties afin de s’assurer qu’elle représente bien l’entente. Dans le cas du personnel enseignant et suppléant, la partie A se nomme protocole d’accord central ou PAC et la partie B s’appelle protocole d’accord local ou PAL.
L’AEFO soumet ensuite l’entente centrale au CA, qui agit comme gardien de la cohérence entre les objectifs initiaux, les résultats obtenus et les intérêts globaux de l’ensemble des membres. L’entente doit être approuvée par le CA avant d’être présentée aux membres.
« L’entente est dévoilée aux membres en présentant chacune des modifications à la convention collective en vigueur. On répond ensuite aux questions des membres, puis on les convoque à un vote pour l’acceptation de l’entente ou non », rapporte le cadre en relations de travail. Si l’entente est refusée par le CA, par les membres ou par l’employeur, les négociations doivent reprendre, soit avec la même équipe, soit avec une nouvelle équipe de négociation.
Or, si la majorité des membres est en faveur de l’entente et que l’employeur l’est aussi, la nouvelle convention collective est signée et entre en vigueur pour la durée convenue entre les deux parties.
La ratification d’une nouvelle convention collective ne met pas fin au travail de l’AEFO, au contraire! L’association veille ensuite à l’application rigoureuse des conventions collectives tout en continuant de soutenir ses membres. « Les négociations et la mise en œuvre des conventions collectives constituent la manifestation la plus tangible de l’engagement de l’AEFO à défendre les droits et les intérêts de ses membres en tant que syndicat », commente la présidente de l’AEFO, Gabrielle Lemieux.
Tout au long du processus de négociation des conventions collectives, la communication ouverte et la transparence sont primordiales. Les présidences d’unités, entre autres, alimentent l’équipe de négociation avec les informations qu’elles ont recueillies auprès des membres sur le terrain. L’AEFO demeure donc en tout temps à l’écoute des besoins et des préoccupations de ses membres. Elle peut ainsi les communiquer à l’employeur pendant les négociations et les défendre au besoin. « La communication avec les membres est essentielle parce que ce sont leurs conditions de travail que l’AEFO négocie », résume Marianne Raina, cadre au service des communications à l’AEFO.
Le comité qui représente l’AEFO à la table des négociations doit, pour sa part, entretenir une communication ouverte, respectueuse et positive avec l’employeur pour mieux comprendre sa position et, par la suite, proposer des solutions aux problèmes soulevés qui répondront aux besoins des membres sans entraver les intérêts de l’employeur.
En cours de négociation, il peut parfois s’avérer utile pour l’AEFO de communiquer avec d’autres parties, telles que des parents d’élèves, des membres de la communauté ou les médias, afin d’expliquer les revendications et, dans certains cas, d’obtenir l’appui de la population. « L’AEFO maintient aussi une communication continue avec les trois autres filiales syndicales en enseignement en Ontario tout au long des négociations, que ce soit grâce à des échanges entre les présidences provinciales, entre les directions générales ou entre les porte-parole aux tables des négociations », explique la directrice générale et secrétaire-trésorière de l’AEFO, Anne Lavoie.
La communication ne se résume donc pas à une transmission d’informations. Elle permet une harmonisation avec les autres filiales syndicales, la préservation de l’unité au sein de l’AEFO et un renforcement de la confiance envers le comité de négociation.
Un des objectifs de l’AEFO dans le cadre des prochaines négociations est de partager les informations sur une base régulière, de façon claire et vulgarisée. « Nous veillerons à transmettre les informations dans un langage qui correspond au quotidien et à la réalité des membres », explique Marianne Raina.
Dès l’automne, divers moyens de communication seront utilisés en ce sens, notamment :
L’AEFO est consciente que la bonne communication avec ses membres favorise leur mobilisation. « Et leur engagement est très important parce que c’est grâce à leur soutien que l’AEFO a du pouvoir à la table des négociations devant le gouvernement et l’employeur », conclut Marianne Raina.
« Nos voix, notre force collective! »
La négociation des conventions collectives est au cœur du travail de l’AEFO. Il s’agit d’un processus complexe, qui nécessite une préparation rigoureuse, des discussions ouvertes, une communication claire et transparente ainsi qu’une gestion respectueuse des désaccords.
Pour l’AEFO, il est essentiel que l’ensemble des membres reste informé, engagé et uni tout au long de ce processus. Seule une convention collective bien négociée permet d’assurer des conditions de travail dignes, valorisantes et équitables pour toutes et tous.