Un accompagnement, de la convalescence jusqu’au retour au travail

Par Philippe Boivin, rédacteur agréé

Cette rubrique fait le point sur des sujets relatifs aux conditions de travail et aux droits des membres de l’AEFO.

Avec le Régime d’assurance des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (RAEO), les membres de l’AEFO qui doivent s’absenter du travail sur une période prolongée profitent de plusieurs avantages, dont un accompagnement en intervention précoce durant leur congé à court terme et des mesures d’accommodements personnalisées, si nécessaire, lors de leur retour au travail.

Un accident est si vite arrivé, alors que la maladie peut frapper à n’importe quel moment… et, dans les deux cas, le rétablissement peut parfois s’étendre dans le temps.

Lorsque l’arrêt de travail est d’une durée de plus de 15 jours consécutifs et à la suite d’un avis d’absence prolongée (APP) de l’employeur à l’AEFO, l’agente ou l’agent d’unité informe la ou le membre concerné des services offerts par le RAEO et indique la procédure à suivre avec celui-ci si une demande d’invalidité de longue durée est de mise.

Du soutien durant la période de congé à court terme…

Lorsque l’absence dure entre 15 et 120 jours, les membres de l’AEFO ont accès au programme d’intervention précoce du RAEO, qui consiste à offrir du soutien confidentiel et créé sur mesure, peu importe le problème médical ou la raison de l’absence. À ce moment, une conseillère ou un conseiller en réadaptation en intervention précoce (CRIP) prend en charge le dossier de la personne concernée et communique avec elle.

En travaillant en collaboration avec la ou le membre, la ou le CRIP discute des symptômes physiques, cognitifs ou psychologiques ressentis, des traitements en place ou planifiés, des médicaments prescrits, des limitations physiques ou psychologiques ainsi que des progrès réalisés. Pour faciliter ou accélérer la réadaptation, la ou le CRIP fournit à la ou au membre toute information nécessaire sur sa condition ou sa situation, y compris des ressources variées. La ou le CRIP peut aussi déterminer si des services spécialisés (par exemple : physiothérapie, ergothérapie, psychologie) sont de mise dans le traitement. De plus, de l’aide financière peut être octroyée pour des traitements de réadaptation dont l’efficacité a été démontrée scientifiquement.

C’est à la ou au CRIP d’adapter le programme en fonction de chaque individu et de sa condition. Par exemple, si la ou le membre a un diagnostic de cancer, le programme Carepath sera offert afin qu’elle ou il soit jumelé à une infirmière ou un infirmier gestionnaire, qui, en plus d’offrir un soutien psychologique, l’aidera à faire des choix éclairés sur les soins proposés afin d’en limiter les répercussions sur sa santé.

… et lors du retour au travail

Si la personne effectue son retour au travail à l’intérieur du congé à court terme (avant 120 jours), la ou le CRIP l’aidera à naviguer dans le processus de retour au travail. Par contre, le RAEO n’est pas impliqué dans l’établissement d’un plan de retour ou d’accommodement au travail : le tout est plutôt élaboré par la ou le médecin traitant et géré par l’employeur, avec la possibilité d’obtenir de l’appui de l’agente ou l’agent d’unité.

Il arrive toutefois qu’il soit impossible pour la personne d’effectuer un retour au travail à l’intérieur du congé à court terme. Dans ce cas, la ou le CRIP l’accompagne dans le processus de demande de congé d’invalidité de longue durée (ILD). La ou le membre a également accès à son agente ou agent d’unité pour toute question en lien avec la demande. Cette gestion proactive évite à la ou au membre de passer des jours ou des semaines sans salaire, car l’approbation des dossiers d’invalidité de longue durée peut prendre de six à huit semaines.

Les retours au travail après une invalidité de longue durée, de leur côté, sont gérés par une conseillère ou un conseiller en réadaptation (CR) du RAEO. En premier lieu, la ou le CR s’entretient avec la ou le membre afin d’évaluer son état physique et/ou mental, à la lumière des informations médicales fournies par la ou le médecin traitant. « Lors de ce tête-à-tête, on veut tisser des liens avec la personne et créer un climat de confiance. Si l’on juge qu’elle est apte à effectuer un retour au travail, la ou le CR élaborera un plan de retour au travail graduel et individualisé, qui sera approuvé par la ou le médecin traitant », détaille Mylène Leblanc, CR au RAEO.

En deuxième lieu, une rencontre est organisée entre la ou le membre, la ou le CR, le conseil scolaire et l’agente ou l’agent d’unité. Le but de cette rencontre est de s’assurer que les droits de la ou du membre sont respectés et que les recommandations du plan de retour au travail graduel, qui peut inclure différentes mesures d’accommodements, pourront être appliquées dans l’environnement de travail. Rares sont les cas où le plan impose des exigences irréalistes, car les CR connaissent très bien les postes occupés par les membres de l’AEFO ainsi que leur environnement et leurs conditions de travail.

Grâce aux multiples programmes d’appui du RAEO, que ce soit lors d’un congé à court terme ou à la suite d’une invalidité de longue durée, les membres de l’AEFO peuvent réellement se concentrer sur leur bien-être!

Pour plus de renseignements sur le soutien offert par le RAEO durant un congé prolongé ou d’invalidité de longue durée ou encore sur les plans de retour au travail, communiquez avec votre agente ou agent d’unité.

Violence dans les écoles : une hausse alarmante

Par Amélie Cournoyer, rédactrice agréée

Les écoles canadiennes, notamment en Ontario, sont confrontées à une montée alarmante des cas de harcèlement et de violence. Cette situation urgente nécessite une intervention immédiate du gouvernement et des conseils scolaires. L’AEFO en fait un dossier prioritaire pour l’année en cours.

Au Canada, la violence dans nos écoles n’est pas un phénomène nouveau, mais elle s’est intensifiée de façon importante au cours de la dernière décennie en ce qui concerne la fréquence, mais aussi la gravité des gestes et des paroles.

Les résultats d’une récente étude de l’Université d’Ottawa intitulée In Harm’s Way: The Epidemic of Violence Against Education Sector Workers in Ontario suggèrent qu’au cours de l’année scolaire 2018-2019, jusqu’à 89 % du personnel en classe (en excluant le personnel enseignant) et du personnel de soutien ont été l’objet d’une menace, d’une tentative ou d’un acte de violence de la part d’une ou de plusieurs personnes et 95 % ont subi une forme de harcèlement. « Il s’agit de taux extraordinairement élevés, et parmi les plus élevés de tous les secteurs du marché du travail », commente le groupe de recherche à l’origine de l’étude.

Contrairement à la croyance populaire, la violence n’est pas seulement vécue dans les écoles secondaires; elle survient aussi fréquemment dans les écoles élémentaires et à la maternelle. Selon une étude datant de 2018 de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (CTF-FCE), plus de 90 % des actes violents dans les écoles sont commis par les élèves. À l’AEFO, beaucoup de membres rapportent vivre de la violence au quotidien. Et la majorité des cas signalés semblent perpétrés par des élèves de 3e année et moins.

 

Formes de violence

La violence qui a lieu dans les écoles peut prendre plusieurs formes. Elle peut être verbale ou psychologique (p. ex. : intimidation, insultes, attitudes ou gestes irrespectueux ou carrément obscènes). Et elle ne se limite pas aux heures de classe; de nombreux cas répertoriés ont lieu sur les réseaux sociaux, par exemple.

La violence physique est aussi présente au quotidien. Des enfants en crise, dès la maternelle, s’en prennent aux autres élèves, mais également au personnel éducateur. Des membres rapportent avoir reçu des coups de pied, de poing ou de tête, s’être fait pousser, mordre ou tirer les cheveux, entre autres. En résultent parfois des blessures physiques mineures ou plus sérieuses.

 

Conséquences sur la santé mentale

Sans surprise, la violence physique, psychologique et verbale dont les membres du personnel en éducation sont témoins ou victimes sur leur lieu de travail a des conséquences négatives importantes sur leur santé mentale et physique ainsi que sur leur rendement professionnel. Les études sur le sujet soutiennent que la violence fait vivre aux membres du personnel un niveau de stress élevé, des problèmes d’estime en leurs capacités professionnelles ainsi que divers problèmes de santé mentale, tels que de l’anxiété, des symptômes dépressifs et de l’épuisement professionnel (burnout).

Signe que la violence est loin d’être anodine : l’étude de l’Université d’Ottawa citée plus tôt rapporte que la proportion du personnel en éducation souffrant de symptômes de stress post-traumatique suivant leur pire épisode de harcèlement ou de violence équivaut aux symptômes mesurés chez les pompières et pompiers ainsi que chez les téléphonistes travaillant dans les centres d’appels d’urgence.

Les conséquences de la violence sur le personnel enseignant sont profondes et perdurent, souvent plusieurs mois après l’incident. Cela mène à une baisse du bien-être au travail, à une plus grande difficulté à atteindre les objectifs de travail, à un désengagement professionnel et à l’absentéisme.

 

Coût de la violence 

La violence affecte le climat scolaire en créant un environnement de peur et d’insécurité qui peut nuire à l’apprentissage des élèves de même qu’à la collaboration entre les membres du personnel. Elle est d’ailleurs pointée comme l’un des facteurs de la difficile rétention du personnel.

Les incidents de violence augmentent par ailleurs le taux d’absentéisme parmi le personnel, qui peut avoir besoin de temps pour se rétablir. La violence en milieu scolaire a donc un prix : remplacer le personnel éducatif et de soutien pour le temps perdu en raison du harcèlement ou de la violence sur le lieu de travail coûterait à l’Ontario au moins 3,5 millions de dollars par année selon l’étude de l’Université d’Ottawa.

Cette estimation demeure conservatrice puisque la plupart des incidents de harcèlement ou de violence ne sont pas déclarés. En effet, toujours selon la même étude, près de la moitié du personnel éducateur n’a pas rapporté le pire incident de violence dans l’année précédant la tenue du sondage. Alors que dire des incidents mineurs?

 

Normalisation de la violence

Les personnes qui ont répondu au sondage mené par l’Université d’Ottawa ont mentionné plusieurs raisons de ne pas avoir rapporté les comportements violents : parce qu’elles jugeaient l’incident trop mineur, qu’elles croyaient pouvoir gérer la situation par elles-mêmes, par manque de temps, parce qu’elles étaient embarrassées par l’événement ou qu’elles ne voulaient pas que leur administration soit au courant. En ce sens, il est parfois nécessaire de persuader certains membres de l’AEFO de rapporter des incidents, même les plus petits, puisque c’est un processus fastidieux et qu’elles et ils manquent de temps pour le faire. Mais ces incidents doivent être déclarés pour obtenir du soutien de la part de la direction.

Certaines administrations montrent un grand soutien au personnel victime de violence, par exemple en effectuant un suivi psychologique auprès de l’employée ou de l’employé et en l’aidant à documenter ou à signaler l’événement. Les personnes participant à l’étude ont toutefois spécifié que l’inaction, les blâmes et même les représailles sont choses fréquentes lors des signalements.

« Près de 70 % des personnes répondantes ont indiqué qu’elles avaient mentionné l’incident à l’administration ou à une superviseure ou un superviseur, mais qu’elles s’étaient senties “rejetées”, que le comportement [violent] avait été ignoré ou qu’il y avait eu un manque de conséquences sérieuses », peut-on lire dans le rapport. Voici quelques exemples : une personne s’est fait demander ce qu’elle avait fait pour provoquer l’élève, une autre a été questionnée sur ce qu’elle aurait pu faire différemment pour éviter l’incident et une autre encore s’est fait dire que c’était sa faute si elle s’était fait attaquer.

Il faut dire que la violence dans les écoles a malheureusement été normalisée. Certaines administrations vont même considérer que celle-ci « fait partie de la job ». Cela crée un contexte dans lequel les préjudices subis sont minimisés ou niés. « Normaliser la violence, quelle qu’en soit la forme, est inacceptable », souligne Gabrielle Lemieux, présidente de l’AEFO.

 

Pistes d’action

Trop d’élèves par classe, intégration d’élèves avec des troubles d’apprentissage graves ou des troubles de comportement importants, manque de personnel de soutien éducatif et de personnel professionnel… La violence dans les écoles est le résultat d’un sous-financement chronique du système d’éducation. « Pour contrer cette épidémie de violence, il est crucial de réévaluer et d’augmenter le financement du système éducatif afin de mieux répondre aux besoins des élèves et de soutenir le personnel enseignant », commente Gabrielle Lemieux.

Une des solutions pour assurer des milieux de travail où le personnel et les élèves se sentiront en sécurité? Mieux répondre aux besoins des jeunes. Des changements drastiques dans le système d’éducation sont donc demandés en ce sens pour stopper la violence dans les écoles. Parmi ceux-ci :

  • Offrir des ressources adéquates pour l’ensemble des élèves. « Il y a un manque criant de ressources pour les élèves en difficulté et leur famille. Alors, c’est souvent le personnel enseignant qui se retrouve à devoir gérer seul ces cas », soutient Gabrielle Lemieux. Les écoles ont donc besoin de davantage de services professionnels (p. ex. : psychologie, pédopsychiatrie, travail social, éducation spécialisée) et de personnel de soutien, de classes moins nombreuses pour faciliter les interventions individuelles et de plus de classes spécialisées.
  • Mieux soutenir le personnel enseignant en fournissant des ressources adéquates pour l’ensemble des élèves, mais aussi en proposant un soutien psychologique à celles et ceux dont la santé mentale est affectée à cause de la violence.
  • Offrir de la formation continue au personnel pour qu’il développe les compétences afin de mieux gérer le harcèlement et la violence sur le lieu de travail, réagir aux situations de violence et venir en aide aux collègues qui en sont victimes. Des formations en intervention non violente en situation de crise, puis pour aider les élèves à mieux gérer leurs frustrations et leur colère ainsi que leurs relations interpersonnelles pourraient également être pertinentes. De plus, des cours universitaires sur la gestion de la violence en milieu de travail devraient être donnés aux futures enseignantes et aux futurs enseignants.
  • Instaurer un protocole d’intervention en situation de violence dans chaque école pour permettre à chaque membre du personnel de savoir comment intervenir en cas de crise. « À l’heure actuelle, le personnel se sent un peu démuni lorsqu’une situation de violence survient. Certaines personnes vivent de l’incertitude et de la frustration, surtout lorsque les attentes sont floues ou que le soutien nécessaire pour résoudre le problème n’est pas offert par l’employeur », rapporte Gabrielle Lemieux.
  • Faciliter le signalement des incidents pour le personnel. La Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario oblige l’employeur à avoir une politique qui établit une procédure de signalement lorsqu’il y a un acte violent. Or, un manque de communication persiste à ce sujet puisque les membres du personnel ont souvent de la difficulté à trouver le formulaire de signalement, qu’elles et ils ne savent pas comment faire leur signalement ou ne connaissent pas le processus ni leurs droits suivant leur signalement.

 

Contrer la violence dans les milieux scolaires, une priorité pour l’AEFO 

Ces dernières années, l’AEFO a mené plusieurs campagnes de sensibilisation et de formation auprès de ses membres au sujet de la violence dans les milieux de travail, en plus de mettre de la pression sur les instances gouvernementales et les conseils scolaires afin que ce dossier devienne un enjeu prioritaire.

L’AEFO a aussi participé au Groupe de travail provincial sur la santé et la sécurité pour faire de la prévention de la violence au travail une priorité. Un sous-comité de ce groupe de travail a élaboré le guide Violence au travail dans les conseils scolaires – Un guide de la loi afin d’aider les gens dans les lieux de travail à mieux comprendre les exigences de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. « Le gouvernement a partagé cette ressource avec tous les conseils scolaires. Mais pourquoi les suggestions n’ont-elles pas été mises en œuvre? », questionne la présidente de l’AEFO.

Au sein de l’association, les présidences d’unités locales ont suggéré que ce dossier soit prioritaire, sinon la priorité pour cette année au niveau provincial. Celles-ci croient que les efforts de l’AEFO doivent être maintenus puisqu’on remarque une recrudescence des cas de violence depuis la pandémie de COVID-19. Tout cela a mené le conseil d’administration de l’AEFO à voter, le printemps dernier, une résolution pour la création d’un comité ad hoc sur la violence. Ce comité, actuellement en formation, devrait se rencontrer bientôt pour la première fois. Il aura pour mandat de proposer un plan d’action provincial afin de réduire l’incidence de la violence en milieu de travail.

L’AEFO a également créé un nouveau poste en relations de travail et professionnelles, qui a été confié à Philippe St-Amant. Ce dernier a notamment comme responsabilité de se pencher sur le dossier de la santé et la sécurité au travail, en mettant dès le départ une lentille sur la violence dans les milieux de travail.

Pour Gabrielle Lemieux, c’est la concertation du personnel et des membres de l’AEFO qui permettra de créer des milieux de travail sains, sécuritaires et bienveillants pour tout le monde. « L’AEFO mise énormément sur la collaboration professionnelle de toutes les parties prenantes pour résoudre ce problème aussi fondamental. On doit y faire face de manière collective », conclut-elle.

Skip to content